Bonardi, Alain and Dufeu, Frédéric (2013) Comment modéliser les comportements des instruments numériques? Propositions en logique floue à partir des œuvres de Philippe Manoury [How Can We Model Behaviours of Digital Instruments? Propositions in fuzzy logic from Philippe Manoury’s works]. In: Electroacoustic Music Studies Network EMS13, Electroacoustic Music in the Context of Interactive Approaches and Networks, 17th - 21st June 2013, Lisbon, Portugal. (Unpublished)
Abstract

Pour le musicologue, l’environnement informatique destiné à l’interprétation d’une œuvre mixte interactive peut constituer un important objet d’analyse. Une attention apportée directement au programme sur lequel repose l’exécution permet en effet de relever sans ambiguïté les conséquences des informations d’entrée, dérivées du jeu instrumental ou vocal, sur les processus musicaux et sonores. L’enjeu d’une telle démarche, d’ordre organologique, est d’évaluer l’étendue expressive de l’instrument numérique et, à travers elle, le potentiel d’interprétation de l’œuvre musicale. Dans les cas où les programmes informatiques sont disponibles et encore exploitables, leur haut degré de personnalisation apporte une difficulté importante à l’examen musicologique d’un ensemble de cas : d’une composition à une autre, les unités de traitement musical ou sonore et leurs interconnections sont variables tant par leur nature que par leur implémentation. Bien que les comportements instrumentaux rencontrés à travers le répertoire des musiques mixtes présentent un certain nombre de traits communs, chaque étude est susceptible d’appeler une approche entièrement renouvelée, sans bénéfice significatif tiré d’expériences précédentes.

L’objectif de notre communication est de présenter des perspectives de modélisation pour le comportement des instruments de musique numériques. Nous nous appuierons sur une expérimentation faisant appel aux formalismes de la logique floue dans la section III de Pluton de Philippe Manoury. Nous utilisons la librairie FuzzyLib développée par Alain Bonardi et Isis Truck dans l’environnement Max / MSP, de ce fait directement connectable au patch de Pluton. Dans l’esprit du Computing with Words décrit par Lotfi Zadeh, ce formalisme nous permet de décrire les phénomènes en entrée et en sortie des modules de transformation de manière sémantique, revenant de la mesure physique à une appréciation relevant de la perception ; il est également possible de raisonner à ce niveau sémantique par des inférences. En logique floue, il est ainsi possible de travailler sur le vocabulaire musical de la dynamique et des tempi (pianissimo, moderato, etc.) de manière non binaire plutôt que sur des plages exclusives de valeurs numériques, et de décrire les fonctions de transfert par des règles floues.

L’exemple ci-dessous montre comment deux variables linguistiques appelées dynamique et ambitus ont été modélisées dans la section III de Pluton de Manoury. Elles possèdent chacune deux classes, associées à des sous-ensembles flous, matérialisés sur le schéma par les fonctions ascendantes et descendantes correspondant à un degré de vérité ; la première s’appuie sur les notions de pianissimo et fortissimo ; la seconde sur unisson et large. Deux règles floues ont été posées, reliant les deux variables :

• Si dynamique est pianissimo, alors ambitus est unisson
• Si dynamique est fortissimo, alors ambitus est large

Un moteur d’inférences fondé sur le principe du general modus ponens met en œuvre le raisonnement et permet de déduire l’ambitus en fonction de la valeur en entrée de la dynamique.

Plus généralement, lorsqu’une variable comporte cinq classes (par exemple pour la dynamique piano, mezzo piano, mezzo forte, forte, fortissimo), un algorithme a été créé par Isis Truck pour façonner et répartir automatiquement les sous-ensembles flous à partir de données expérimentales directement récupérées du patch étudié.

Cette approche permet tout à la fois de modéliser le contrôle et donc le comportement du patch selon des termes liés à la perception, voire même de le remplacer ou de contribuer à sa pérennisation, étant une forme d’écriture abstraite d’une implémentation liée à un logiciel. À partir d’un cas particulier d’interaction homme-machine présent dans une œuvre emblématique du recours au temps réel, nous discuterons la pertinence de cette modélisation pour l’analyse des musiques mixtes et ses perspectives de développements pour l’application de formalismes généralisables à une large part des instruments numériques du répertoire contemporain. Cette démarche constitue une contribution à l’organologie des dispositifs temps réel de production sonore.

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